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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/134

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LETTRE XLIII

Onze heures du soir, 1774.

Je viens de m’occuper de vous, de vos intérêts avec M. d’Alembert, et il me passe par la tête de vous faire une proposition folle ; et c’est précisément à cause de cela que je ne désespère pas que vous l’acceptiez. Venez demain passer la journée à la campagne, vous comblerez de plaisir madame L…, et ce n’est pas là une manière de parler. Si vous êtes engagé le soir, nous reviendrons d’assez bonne heure pour que vous ne manquiez ni à votre plaisir, ni à celui de ceux qui vous attendaient. Enfin, voyez si vous pouvez vous arracher à vos affaires, à vos soins, à votre dissipation, à vos rendez-vous, à l’Opéra, aux visites, au vague, au vide, en un mot, à cette multitude de choses importantes auxquelles vous consacrez votre vie. Surtout (et sans doute cette recommandation est inutile et présomptueuse) ne me faites point de sacrifice : c’est moi, au contraire, qui suis prête à vous les faire tous. Si vous me refusez, je vous réponds de n’en être ni étonnée, ni fâchée : il est tout simple qu’à la veille d’un départ, tous vos moments soient engagés. Mais au moins ne perdez donc pas tous ceux que vous vouliez bien me destiner : employez-les ; je vous rends votre soirée de demain : je me coucherai en arrivant. Mercredi j’ai promis de passer la soirée au Ménil-Montant, et si je ne suis pas trop souffrante, j’irai. J’ai envoyé m’excuser cet après-dîner, parce que je souffrais beaucoup : car vous croyez bien que je ne pouvais pas avoir l’espérance de vous voir. Il est