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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/136

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êtes parti, et peut-être qu’avec ce ménagement, vous serez assez bien pour partir demain matin. Assurément vous ne voyagerez pas la nuit, ce serait de la folie : en allant coucher à Orléans, vous ne serez pas fatigué. Vous ne me dites pas si vous avez de la fièvre dans ce moment-ci. J’enverrai savoir de vos nouvelles à une heure ; en grâce, mon ami, ne sortez point : je saurai de vos nouvelles plusieurs fois dans la journée ; et pour cela, je vais dîner chez moi, je ne sortirai qu’à neuf heures du soir. Mon ami : j’exige de vous que vous passiez la soirée dans votre lit ; je vous assure que si vous n’y prenez garde, vous ferez de ceci une fluxion de poitrine. Mais sans doute vous avez écrit à monsieur votre père : s’il vous connaît bien, il sera moins inquiet, parce qu’il ne comptera pas sur votre exactitude. Voyez combien je suis dure et quel moment je prends pour vous accabler ! Oui, en vérité, vous avez tort d’être malade. Eh bien ! si vous étiez parti hier, mon inquiétude aurait-elle été fondée ? Mon ami, buvez, mais quoi ? je crains que ces eaux n’aient trop d’activité : de la guimauve, ou de l’eau d’orge. Si vous venez chez moi, vous en trouverez de toute prête, mais ne venez pas, non, ne venez pas. Ménagez-vous pour ce qui vous aime avec tant de tendresse.



LETTRE XLV

Huit heures et demie, 1774.

Mon ami, je vous aime : je le sens dans ce moment d’une manière douloureuse. Votre rhume, votre