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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/147

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LETTRE XLVIII

Ce lundi, 29 août 1774.

Vous savez que M. Turgot est contrôleur général ; mais ce que vous ne savez pas, c’est la conversation qu’il a eue à ce sujet avec le roi. Il avait eu quelque peine à accepter le contrôle, quand M. de Maurepas le lui proposa de la part du roi. Lorsqu’il alla remercier le roi, le roi lui dit :

— Vous ne vouliez donc pas être contrôleur général ?

— Sire, lui dit M. Turgot, j’avoue à Votre Majesté que j’aurais préféré le ministère de la marine, parce que c’est une place plus sûre, et où j’étais plus certain de faire le bien ; mais dans ce moment-ci, ce n’est pas au roi que je me donne, c’est à l’honnête homme.

Le roi lui prit les deux mains, et lui dit :

— Vous ne serez point trompé.

M. Turgot ajouta :

— Sire, je dois représenter à Votre Majesté la nécessité de l’économie dont elle doit la première donner l’exemple ; M. l’abbé Terrai l’a sans doute déjà dit à Votre Majesté.

— Oui, répondit le roi, il me l’a dit ; mais il ne l’a pas dit comme vous.

Tout cela est comme si vous l’aviez entendu, parce que M. Turgot n’ajoute pas un mot à la vérité. Ce mouvement de l’âme de la part du roi fait toute l’espérance de M. Turgot ; et je crois que vous en prendriez