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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/157

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pourquoi faut-il que votre neveu soit heureux à votre manière ? Je sens que je réponds bien sèchement, bien bêtement à tous les détails où votre amitié et votre confiance vous ont fait entrer ; mais que voulez-vous faire ? Il ne me vient rien : mon âme est un désert, ma tête est vide comme une lanterne. Tout ce que je dis, tout ce que j’entends, m’est plus qu’indifférent ; et je dirai aujourd’hui comme cet homme à qui on reprochait de ne pas se tuer, puisqu’il était si détaché de la vie : je ne me tue pas, parce qu’il m’est égal de vivre ou de mourir. Cela n’est pourtant pas tout à fait vrai : car je souffre, et la mort serait un soulagement ; mais je n’ai point d’activité.



LETTRE LI

Mardi, 20 septembre 1774, six heures du matin.

Pour réparer la platitude et la sécheresse de ma lettre d’hier au soir, j’imagine de vous envoyer deux petites feuilles de Voltaire, et l’éloge de La Fontaine, que j’ai lu avec autant de plaisir que j’en avais eu à l’entendre. Remarquez bien que je n’exagère pas les louanges ; ainsi vous serez libre encore d’être de votre avis et de trouver détestable ce que j’ai cru bon. — Il paraîtra, d’ici à peu de jours, un édit sur le commerce intérieur des grains ; il sera motivé : cette forme est nouvelle, et il me semble qu’elle doit convenir à la multitude ; car les fripons et les gens de parti trouveront bien encore à critiquer. — On disait hier qu’on donnait l’archevêché de Cambrai à M. le car-