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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/169

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ami, ne prenez pas trop du quinquina : il fait mal à la poitrine, et quand il guérit trop vite la fièvre, on a presque toujours des obstructions ; enfin, songez qu’il ne vous est pas libre de négliger votre santé : mon repos, ma vie en dépendent. Mon ami, dites-moi si je vous aime, vous devez vous y connaître ; moi, je ne me connais plus à rien : par exemple, dans ce moment-ci, je sens que je désire avec passion de vos nouvelles ; et je sens aussi, mais d’une manière active, que j’ai besoin de mourir. Je souffre de la tête aux pieds. Mon âme est exaltée et mon corps affaissé. De ce manque d’accord résultent le malheur et presque la folie. Mais il faut m’arrêter. Adieu. Je voudrais bien aller au-devant du facteur.


Lundi, quatre heures.

Le facteur est arrivé. M. d’Alembert n’a point de lettres, et cependant le courrier de Montauban arrive lundi, mercredi et samedi. Mon ami, je suis bien malheureuse : ou vous êtes bien malade, ou vous êtes bien cruel de me laisser dans cette inquiétude. Vous savez si ma santé, si mon état peuvent supporter une augmentation de trouble et de douleur. Ah ! mon Dieu ! que faire, que devenir d’ici à mercredi ! Je vais envoyer chez le chevalier d’Aguesseau.