vous : je vous l’envoie, pour que vous en jouissiez plus tôt. Cette femme est belle, mais, en effet, elle est froide comme une muse. Envoyez donc votre copie à madame Geoffrin : elle est pressée. Quand on est bien jeune et bien vieux, on veut jouir vite. J’ai été fort souffrante aujourd’hui : c’est l’habitude de ma vie ; on ne doit pas plaindre les maux qui durent toujours ; c’est bien assez d’être supportée. Bonsoir. À votre retour, il faudrait peut-être aller ou envoyer chez M. Turgot.
LETTRE LXXXVIII
Hier à cette heure-ci, mon ami, je vous attendais et je souffrais ; aujourd’hui mon âme est abattue et triste, parce qu’elle n’est pas soutenue par l’espérance de vous voir. Ce que je ressens me rappelle ces vers de M. de La Harpe :
Ah ! que ne puis-je encor l’attendre,
Dût-il encor ne pas venir !
Mon ami, que je vous plains de ne pas pouvoir partager le sentiment qui m’anime ! vous connaîtriez encore une fois le bonheur, mais ce bonheur qui donne l’idée du ciel, et qui donnerait la force de l’acheter par les tourments de l’enfer. Oui, je le sens, mon âme n’est faite que pour les excès ; aimer faiblement m’est impossible : mais aussi, si vous ne me répondez pas, si mon âme ne peut entraîner la vôtre,