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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/245

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elle m’importune. Adieu, mon ami. Vous n’aviez pas besoin de me retrouver ce soir, et moi je n’ai pas pu vous quitter de la journée. Quelque dissipé que vous ayez été, quelque plaisir que vous ayez eu, je ne vous envie rien : j’ai été en meilleure compagnie. J’ai été occupée de Catinat : j’en ai relu une partie, et j’en suis plus charmée, plus contente que je ne peux l’exprimer. À coup sûr l’auteur ira loin. Ce n’est pas assez dire qu’il a du talent, de l’âme, de l’esprit, du génie : il a ce qui manque presque à tout ce qui est bon, cette éloquence et cette chaleur qui fait qu’on le sent avant de le juger. C’est ce qui fait que, sans présomption, je puis louer, approuver avec autant de vérité que si j’avais de l’esprit et du goût. Je ne sais ni disserter, ni mesurer rien : mais ce qui est beau, enlève mon âme, et alors j’ai raison, quoique vous en puissiez dire. Adieu, adieu donc.



LETTRE LXXXIX

1775.

Mon ami, êtes-vous en retraite ? M’y mettrez-vous demain ? Que je sache du moins à quoi j’emploierai ma pensée et mon sentiment : sera-ce en regrets ou en attente ? Quoi qu’il en soit, l’un et l’autre seront remplis de vous ; et soit que vous me priviez, ou que vous me fassiez jouir, je vous aimerai tendrement.

Vous ne m’avez pas dit si vous aviez été à Gustave. Autant qu’il m’en souvient, cela est bien mauvais, et écrit d’une manière barbare. Bonsoir. Devinez pour qui je vous quitte. Ah ! je quitterais le présent, l’avenir,