mes maux ; il m’ôte la partie de mon existence qui me fait sentir et souffrir. Adieu. Je me sépare de vous pour vingt-quatre heures. Si, par un malheur que je ne veux pas prévoir, la soirée d’hier avait… non, je n’ose achever. Mon ami, j’entrevois un moyen de réparer : je me punirais, je sais souffrir, et je me condamnerais à ne vous dire jamais ce que je prononce dans ce moment avec tendresse et passion : je vous aime.
LETTRE XCIV
Jugez de mon malheur : je me sentais une répugnance mortelle à ouvrir votre lettre ; si je n’avais craint de vous offenser, j’allais vous la renvoyer. Quelque chose me disait qu’elle irriterait mes maux, et je voulais me ménager. La souffrance continuelle de mon corps affaisse mon âme ; j’ai encore eu la fièvre, je n’ai pas fermé l’œil, je n’en puis plus. De grâce, par pitié, ne tourmentez plus une vie qui s’éteint, et dont tous les instants sont dévoués à la douleur et aux regrets. Je ne vous accuse point, je n’exige rien, vous ne me devez rien : car, en effet, je n’ai point eu un mouvement, pas un sentiment auquel j’aie consenti ; et quand j’ai eu le malheur d’y céder, j’ai toujours détesté la force ou la faiblesse qui m’entraînait. Vous voyez que vous ne me devez aucune reconnaissance, et que je n’ai le droit de vous faire aucun reproche. Soyez donc libre, retournez à ce