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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/273

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d’erreurs ! et les regrets qui les suivront animeront le dernier souffle de ma vie. — J’ai reçu aujourd’hui un présent ravissant, et la manière dont on me l’a fait est si piquante et si originale que je veux vous la dire : « Je vous envoie ces C… de R… qui vous plaisent tant et que, par conséquent, vous garderez jusqu’à ce qu’ils ne vous plaisent plus du tout : j’apprendrai par là combien de temps il vous faut pour que ce qui vous a plus vous déplaise ».

Si ce tour-là vous paraît commun, je ne me connais ni en esprit ni en originalité : mais moi je me sens bien bête pour répondre à cela ; cependant il faut au moins remercier. Répondez pour moi : ce mot que vous me ferez dire m’acquerra à jamais le pas sur madame de Sévigné ; c’est la première fois que j’aurais senti du plaisir à usurper l’opinion, et à me parer des plumes du paon. Mon ami, plaisanterie à part, ayez de l’esprit pour moi. Vous comprenez que c’est un homme qui m’a fait ce présent ; je ne lui ai jamais écrit, ainsi il ne comparera pas.

Bonsoir. Vous dinez demain avec des gens que vous connaissez peu ; vous serez bien aimable, devinez pourquoi. Pour moi, je dîne chez madame la duchesse de Châtillon ; je serai bien morte, et c’est ma faute : car on me disait aujourd’hui : Je vais souper avec elle ; je n’en ai jamais tant de désir que lorsque j’ai diné avec elle ; cela veut dire qu’assez n’est point assez. Vous n’êtes pas assez heureux, vous, pour avoir ce mouvement : vous ressemblez bien plutôt à ce malheureux qui n’aime rien. — Mon ami, je veux mon Dictionnaire et la lettre de madame d’Anville, et celle de madame de Boufflers, et les miennes ; et puis, je veux vous voir. Si vous voulez éviter cette pernicieuse société, venez à une heure ou à cinq. J’ai vu cette après-dîner