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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/292

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LETTRE CXV

Jeudi, 6 juillet 1775.

Je n’ai point eu de vos nouvelles hier, mon ami. Vous vous êtes lassé de me parler, et moi je me suis trop tôt lassée de me taire ; avec un peu de courage, tant de douleurs, tant d’efforts n’auraient peut-être pas été perdus. Mon Dieu ! dites-moi, si vous le savez, comment cette torture finira ? sera-ce la haine, l’indifférence, ou la mort qui m’en délivrera ? Mon ami, je ne veux pas être généreuse à demi, je crois que je vous ai pardonné ; ainsi je vais causer avec vous, comme si j’étais contente de vous. — Je vais vous dire que d’ici à peu de jours voici ce qui sera public : c’est que M. de Malesherbes a toutes les places de M. le duc de la Vrillière : celui-ci donnera sa démission dans quelques jours, il a encore à faire une visite à l’assemblée du clergé qui doit lui valoir vingt mille francs. M. de Malesherbes donnera la démission de sa charge à la Cour des aides, et M. de Barentin le remplacera. Si vous saviez tout ce que M. de Malesherbes a mis d’honnêteté et de simplicité en acceptant cette place ! vous redoubleriez d’estime, de goût et de vénération pour cet excellent homme. Oh ! pour le coup soyez assuré que le bien se fera, et qu’il se fera bien, parce que ce sont les lumières qui dirigeront la vertu et l’amour du bien public. Jamais, non jamais deux hommes plus vertueux, plus désintéressés, plus actifs n’ont été réunis et animés plus fortement d’un intérêt