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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/301

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été plus ou moins bête. Enfin, mon ami, condamnez-moi ; mais ne me dites pas que je ne suis pas occupée de vous jusqu’à vous en fatiguer. — M. de Malesherbes ne sera en possession que samedi, ou dimanche. Il a été dire adieu à sa solitude de Malesherbes, et je crois que ce ne sera pas sans en avoir le cœur serré. Un ambitieux aura peine à croire qu’on fasse des sacrifices en devenant ministre ; mais si vous connaissez M. de Malesherbes, vous verrez que je dis vrai. Bonjour, mon ami. Je vais envoyer à la grande poste. Je vous ai écrit hier un volume. C’est demain que j’aurai de vous quatre lignes, bien sèches, et peut-être bien dures. Eh bien ! quelles qu’elles soient, je les attends avec plus d’impatience que vous n’attendez un plaisir. Je donne ordre qu’on m’apporte mes lettres chez madame Geoffrin. Au moment où elles arrivent, et jusques-là, j’ai bien peu l’esprit à la conversation. Mes yeux et mon âme sont attachés sur la porte et sur les mains de tout ce qui entre dans la chambre. Mon ami, il n’y a donc de manière d’exister fortement qu’en souffrant ? Mon Dieu ! j’en ai connu une autre ; que ce souvenir est mêlé de douleur et de regret !



LETTRE CXVIII

Mercredi au soir, 12 juillet 1775.

Dites-moi : peut-il y avoir une bonne raison pour ne m’avoir pas écrit ce courrier-ci ? Vous deviez répondre à ce que je vous mandais, que votre éloge était au concours ; et puis vous deviez… Eh non, vous ne deviez rien, puisque le cri de la douleur n’a pas