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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/300

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est arrivé. Je la mis à mon doigt, et deux heures après elle était brisée. Ce n’est point une plaisanterie, cela me fut du plus triste augure. Venez mon ami, donnez-moi une bague forte et durable comme mon sentiment ; celle que vous m’avez donnée ressemblait trop au vôtre, elle ne tenait qu’à un cheveu. — Vous n’aimez donc plus que la lecture ? Et cependant vous dédaignez la gloire. En vérité, vous êtes un grand philosophe lorsque vous êtes triste ; mais cet hiver, vous serez si heureux, si riche, si dissipé, alors il ne sera plus question de cette profonde philosophie. Ah ! non, votre vie n’est pas si avancée, votre tête est encore bien jeune ; elle a encore besoin d’être purgée de bien des choses qui souvent égarent votre âme. Mon ami, je suis bien impertinente n’est-ce pas ? Je vous critique sans cesse, mais je vous aime mieux que ceux qui vous louent toujours. M. d’Alembert vous aime comme si j’y consentais. Adieu. Écrivez-moi donc et beaucoup.


LETTRE CXVII

Mardi, 11 juillet 1775.

J’ai fait mon thème en deux façons ; et comme ce qui en est le sujet et l’objet à la fois ne vous est pas absolument indifférent, je vous envoie ce brouillon. Je ne crois pas qu’il diffère de beaucoup de mon premier jugement ; mais cependant il doit y avoir de la différence : c’est que la dernière fois, j’écrivais en venant de lire M. de la Harpe, et cette fois-ci, c’est en venant de vous lire. Jugez si j’ai mieux senti, si j’ai