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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/330

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davantage, ou du mal que vous me faites, ou du bien qu’on voudrait me faire ; j’en meurs. J’aurais besoin de fuir dans un désert pour me reposer. Que je vous plains de la longueur assommante de cette lettre ! mais je suis si malade, si abattue, que je n’ai pas eu la force d’y mettre de l’ordre, ni d’en écarter les inutilités. Je le sens, les longues douleurs fatiguent l’âme et usent la tête ; mais si je me suis permis de parler si longuement une fois, ce sera pour n’y revenir jamais : il y a des sujets sur lesquels on ne peut pas revenir. Si vous étiez à Paris, je me serais bien gardée de vous y adresser ce volume, vous ne l’auriez pas lu. Il m’a été prouvé que vous ne lisiez pas mes lettres, et cela était tout simple : elles vous étaient adressées dans un lieu où vous aviez à voir et à entendre ce qui était de tout autre intérêt pour vous que moi et mes lettres : aussi je m’engage à ne plus arriver aussi mal à propos. Adieu, mon ami, c’est pour la dernière fois que je me permettrai ce nom : oubliez que c’est mon cœur qui l’a prononcé. Ah ! oubliez-moi ! oubliez ce que j’ai souffert ! Laissez-moi croire que c’est un bonheur que d’être aimée ! laissez-moi croire que la reconnaissance suffira à mon âme ! Adieu, adieu.



LETTRE CXXXI

Dimanche au soir, 24 septembre 1775.

Je ne veux pas rendre votre calcul faux ; vous supposeriez peut-être que j’y mets de l’humeur, du projet, peut-être du caprice ; et rien ne pourrait plus