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Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/361

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dezi et de M. de Schomberg : ils me rassuraient sur ma poitrine ; ma toux les déchirait, et ils me consolaient. Les excellentes gens ! ils ne savent pas tout ce que je souffre ; mais je ne mérite pas d’être plainte, même par vous : car jugez de l’excès de ma folie ; je sens que je vous aime par delà les forces de mon âme et de mon corps. Je sens que je me meurs de n’avoir point de communication avec vous : cette privation est de tous les supplices le plus cruel pour moi. Je compte les jours, les heures, les minutes ; ma tête s’égare sans cesse : car je veux l’impossible, je veux avoir de vos nouvelles les jours où le courrier n’arrive point : enfin, que vous dirai-je, je vous aime à la folie. Eh bien ! après cela, comprenez-moi si vous pouvez. Je ne vous envoie point mes lettres ; je vous choque, je vous irrite, ne fût-ce que par contradiction : il y a plus, c’est que si, par quelque hasard, vous veniez à être forcé de rester dans le lieu où vous êtes, six mois, ou un an, ou toute la vie, je crois pouvoir répondre que vous n’entendriez jamais parler de moi. Concevez, d’après cette disposition, l’horreur que m’a causée ce maudit billet, daté d’un lieu qui se peint à moi d’une manière plus effroyable que l’enfer ne s’est jamais peint à sainte Thérèse et aux têtes les plus exaltées. Nulle raison dans la nature ne peut combattre une aussi funeste impression : je frissonne encore, en me rappelant cette date et le peu de lignes qui la suivaient. Ô ciel ! qu’étiez-vous devenu ! aviez-vous donc cessé absolument d’être sensible à mes maux ? Adieu ; ce souvenir flétrit mon cœur.


15 novembre, vendredi, après l’heure de la poste.

Non, les effets de la passion ou de la raison (car je