Aller au contenu

Page:Lettres de Mlle de Lespinasse (éd. Garnier).djvu/377

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chagrin. Hélas ! peut-être vous trouverez-vous soulagé ? Oh ! que cette pensée me donne de force ! — J’ai manqué à madame de Saint-Chamans ce soir, j’ai éloigné mes amis. Demain je serai enfermée depuis midi jusqu’à deux heures ; c’est un rendez-vous pris depuis quinze jours. Bonsoir. Puissiez-vous dormir et jouir d’autant de plaisir que vous m’avez fait éprouver de torture et d’angoisse ! Non, je ne sais pas comment on ne meurt point de la force de la pensée. Ne venez pas demain matin.



LETTRE CLIII

1776.

Mon ami, êtes-vous toujours aussi content ? votre zèle s’est-il refroidi ? n’avez-vous rien à rabattre de tout le bien que vous espériez et désiriez ? Enfin, mon ami, êtes-vous content ? avez-vous pris des arrangements positifs pour le Connétable ? avez-vous vos loges, vos billets ? est-ce toujours demain matin que vous avez une répétition ? Trouverez-vous, au milieu de tant d’affaires, un moment à me donner ? la réponse à cette question n’est pas celle qui m’intéresse le moins. J’ai besoin de vous voir. Mon âme languit ; c’est, je crois, cette disposition que les dévots appellent un temps de sécheresse, et qu’il ne faut rien moins que l’amour de Dieu pour rendre supportable. Imaginez, mon ami, que le plus vif intérêt de ma journée a été un dîner excellent, dont je suis sortie tourmentée de remords, et pénétrée de regrets d’avoir eu et trop de faiblesse et trop de force tout