LETTRE CLXXX
Vous êtes trop bon, trop aimable, mon ami. Vous voudriez ranimer, soutenir une âme qui succombe enfin sous le poids et la durée de la douleur. Je sens tout le prix de votre sentiment ; mais je ne le mérite plus. Il a été un temps où être aimée de vous ne m’aurait rien laissé à désirer. Hélas ! peut-être cela eût-il éteint mes regrets, ou du moins en aurait adouci l’amertume ; j’aurais voulu vivre. Aujourd’hui, je ne veux plus que mourir. Il n’y a point de dédommagement, point d’adoucissement à la perte que j’ai faite ; il n’y fallait pas survivre. Voilà, mon ami, le seul sentiment d’amertume que je trouve dans mon âme contre vous. Je voudrais bien savoir votre sort, je voudrais bien que vous fussiez heureux. — J’ai reçu votre lettre à une heure ; j’avais une fièvre ardente. Je ne puis vous exprimer ce qu’il m’a fallu de peine et de temps pour la lire : je ne voulais pas différer jusqu’aujourd’hui, et cela me donnait presque le délire. — J’attends de vos nouvelles ce soir. Adieu, mon ami. Si jamais je revenais à la vie, j’aimerais encore à l’employer à vous aimer ; mais il n’y a plus de temps.