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LETTRES PORTUGAISES

dépend-il de moi ? Je ne puis me reprocher d’avoir souhaité un seul moment de ne vous plus aimer. Vous êtes plus à plaindre que je ne suis, et il vaut mieux souffrir tout ce que je souffre que de jouir des plaisirs languissans que vous donnent vos maîtresses de France. Je n’envie point votre indifférence, et vous me faites pitié. Je vous défie de m’oublier entièrement. Je me flatte de vous avoir mis en état de n’avoir sans moi que des plaisirs imparfaits ; et je suis plus heureuse que vous, puisque je suis plus occupée. L’on m’a fait depuis peu portière en ce couvent ; tous ceux qui me parlent croient que je suis folle ; je ne sais ce que je leur réponds ; et il faut que les religieuses soient aussi insensées que moi pour m’avoir cru capable de quelques soins. Ah ! j’envie le bonheur d’Emmanuel et de Francisque 1. Pourquoi ne suis-je pas incessamment avec vous, comme eux ? Je vous aurois suivi, et je vous aurois assurément servi de meilleur cœur. Je ne souhaite rien en ce monde que vous voir. Au moins souvenez-vous de moi ! je me contente de votre souvenir, mais je n’ose m’en assurer. Je ne bornois pas mes espérances à votre sou-