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PREMIÈRE PARTIE

malheur, et j’aime beaucoup mieux qu’elles demeurent sans punition que si j’en étois vengée. Je résiste à toutes les apparences qui me devroient persuader que vous ne m’aimez guère, et je sens bien plus de disposition à m’abandonner aveuglément à ma passion qu’aux raisons que vous me donnez de me plaindre de votre peu de soin. Que vous m’auriez épargné d’inquiétudes si votre procédé eût été aussi languissant les premiers jours que je vous vis qu’il m’a paru depuis quelque temps ! Mais qui n’auroit été abusée comme moi par tant d’empressemens, et à qui n’eussent-ils pas paru sincères ? Qu’on a de peine à se résoudre à soupçonner longtemps la bonne foi de ceux qu’on aime ! Je vois bien que la moindre excuse vous suffit ; et sans que vous preniez le soin de m’en faire, l’amour que j’ai pour vous vous sert si fidèlement, que je ne puis consentir à vous trouver coupable que pour jouir du sensible plaisir de vous justifier moi-même. Vous m’avez consommée par vos assiduités ; vous m’avez enflammée par vos transports ; vous m’avez charmée par vos complaisances ; vous m’avez assurée par vos serments ; mon inclination violente m’a séduite, et