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PREMIÈRE PARTIE

m’imaginai que lorsque vous vous arrêtiez, vous étiez bien aise que je vous visse mieux et j’admirasse votre adresse lorsque vous poussiez votre cheval. J’étois surprise de quelque frayeur lorsque vous le faisiez passer dans un endroit difficile ; enfin je m’intéressois secrètement à toutes vos actions. Je sentois bien que vous ne m’étiez point indifférent, et je prenois pour moi tout ce que vous faisiez. Vous ne connoissez que trop les suites de ces commencements, et quoique je n’aie rien à ménager, je ne dois pas vous les écrire, de crainte de vous rendre plus coupable, s’il est possible, que vous ne l’êtes, et d’avoir à me reprocher tant d’efforts inutiles pour vous obliger à m’être fidèle. Vous ne le serez point. Puis-je espérer de mes lettres et de mes reproches ce que mon amour et mon abandonnement n’ont pu sur votre ingratitude ? Je suis trop assurée de mon malheur ; votre procédé injuste ne me laisse pas la moindre raison d’en douter, et je dois tout appréhender, puisque vous m’avez abandonnée. N’aurez-vous de charmes que pour moi et ne paroîtrez-vous pas agréable à d’autres yeux ? Je crois que je ne serai pas fâchée que les sentiments des autres