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LETTRES PORTUGAISES

des sujets apparens de l’être. Mais, au lieu de ces effets naturels d’un véritable amour, vous me donnâtes mille louanges, vous prîtes 5 la même main que j’avois donnée au duc, comme si elle n’avoit pas dû vous faire horreur ! et je vis l’heure que vous alliez me féliciter sur ce que le plus honnête homme de notre Cour s’étoit attaché auprès de moi ! Insensible que vous êtes, est-ce comme cela que l’on aime, et êtes-vous aimé de moi de cette sorte ? Ah ! si je vous avois cru si tiède avant que de vous aimer comme je fais ! Mais quoi ? quand j’aurois pu voir tout ce que je vois, et plus encore, s’il se peut, je n’aurois pu résister au penchant de vous aimer. Ç’a été une violence d’inclination dont je n’ai pas été la maîtresse ; et puis quand je songe aux momens de plaisir que cette passion m’a causés, je ne puis me repentir de l’avoir conçue. Que ne ferois-je point si j’étois contente de vous, puisque je suis si transportée d’amour dans les temps où j’ai le plus de sujet de m’en plaindre ! Mais vous en savez les différences, vous m’avez vue satisfaite, vous m’avez vue mécontente ; je vous ai rendu des grâces, je vous ai fait des plaintes ; et dans la colère comme dans