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IX

galère, chargée d’attaquer la capitane d’Alexandrie, tua 500 Turcs avec leur capitaine, et s’empara du grand étendard d’Égypte.

Cervantes reçut deux coups d’arquebuse dans la poitrine et un troisième dans la main gauche, dont le mouvement fut à jamais perdu. Il ne quitta le poste d’honneur qu’après la défaite de l’ennemi, défaite désastreuse et décisive, si les vainqueurs avaient su en profiter pour consommer la ruine de la puissance musulmane. Ce fut par toute la chrétienté un cri de joie et un cri de triomphe. Le grand poëte Herrera, un ami de Cervantes, chanta en vers magnifiques cette victoire signalée dont le souvenir est toujours vivant en Espagne. On y célèbre encore l’anniversaire de cette journée mémorable, et le nom de don Juan d’Autriche est répété par toutes les bouches comme celui d’un libérateur : les gens du peuple l’honorent et l’invoquent comme un saint. Cervantes, qui prit une si belle part à cette grande bataille, n’a pas laissé échapper une seule occasion d’en rappeler le souvenir, pour lui si glorieux : il était fier de ses blessures, qui attestaient sa valeur, et il ne pensait pas avoir acheté trop cher sa gloire de soldat.

Le 31 octobre, don Juan d’Autriche rentrait à Messine, dont les hôpitaux s’ouvrirent pour recevoir les malades et les blessés. Cervantes était dans le nombre, et en attendant sa guérison, il resta à Messine jusqu’à la fin du mois d’avril 1572. À cette époque, il s’embarqua une seconde fois avec les troupes es-