Page:Levoyageauparnas00cerv.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XIII

Du moment qu’il eut perdu la liberté, il n’eut qu’une pensée, celle de la recouvrer et de la rendre en même temps à ses compagnons d’esclavage. Les difficultés de l’entreprise ne purent le détourner de son dessein. Une première tentative d’évasion échoua par la perfidie d’un More, qui devait servir de guide aux fugitifs pour gagner Oran, et qui les abandonna dès le premier jour. Il fallut reprendre la chaîne. Vers la fin de l’année 1576, un des captifs s’étant racheté, Cervantes profita de l’occasion, et, par son entremise, il fit savoir à sa famille dans quel état se trouvaient lui et son frère. À cette nouvelle, Rodrigo de Cervantes, leur père, engagea tout son avoir, avec la dot de ses filles, et pour les racheter se réduisit à la misère. L’avide Dali-Mami trouva la somme insuffisante, et Cervantes l’employa généreusement au rachat de son frère (août 1577). Il le chargea de faire armer un vaisseau qui devait servir à l’évasion des prisonniers.

Tout avait été combiné par lui avec beaucoup d’adresse, et les plus minutieuses précautions avaient été prises pour assurer le succès de la tentative. Réunis par ses soins au fond d’un souterrain, les captifs attendaient le moment favorable : l’espoir de briser leurs fers leur rendait tolérable une retraite sombre et malsaine. Le vaisseau partit enfin ; mais il fut découvert, et s’étant montré une seconde fois sur les côtes, il fut poursuivi et tomba au pouvoir des Mores. Le plan de fuite était ruiné, la position des cap-