Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/115

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l’hiver ; déjà la nuit tombait, et Strasbourg, qui était la ville la plus proche, était encore éloigné de plusieurs lieues. Il me parut que si je ne voulais pas passer la nuit dans la forêt, je n’avais pas d’autre parti à prendre que de monter sur le cheval de mon domestique et de gagner ainsi Strasbourg ; expédient qui, dans cette saison, était loin d’être agréable. Cependant, ne voyant pas d’autre ressource, il fallait bien m’y résigner ; je fis donc part de mon dessein au postillon, en lui disant que je lui enverrais du secours dès que je serais arrivé. Je n’avais pas grande confiance dans son honnêteté ; mais il avait tout l’air d’être fort avancé en âge, Stephano était bien armé, et je crus ne courir aucun risque de perdre mon bagage.

« Par bonheur, à ce que je pensais, il s’offrit une occasion de passer la nuit plus agréablement que je ne m’y attendais. Lorsque j’exprimai l’intention d’aller seul jusqu’à Strasbourg, le postillon secoua la tête d’un air de désapprobation.

« La route est longue, » dit-il ; « il vous sera difficile d’arriver là sans guide ; d’ailleurs, monsieur ne paraît pas habitué aux rigueurs de la saison, et il est possible que, hors d’état de supporter ce froid excessif — »

« À quoi bon toutes ces objections ? » interrompis-je avec impatience ; « je n’ai pas d’autre ressource ; je cours encore plus de risque de périr de froid en passant la nuit dans la forêt. »

« Passer la nuit dans la forêt ! » répliqua-t-il, « oh ! par saint Denis ! nous n’en sommes pas tout à fait réduits à cette extrémité. Si je ne me trompe, nous sommes tout au plus à cinq minutes de marche de la cabane de mon vieil ami Baptiste : c’est un bûcheron et un très honnête garçon ; je ne doute pas qu’il ne vous donne asile avec plaisir pour cette nuit. Pendant ce temps-là, je puis