Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/123

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forêt ; elle ne jouit pas d’une bonne réputation, je vous assure. »

« Comment ! » dit la baronne, « y a-t-il des voleurs par ici ? »

« On le dit, madame : pour ma part, j’ai traversé le bois à toute heure, et jamais je n’en ai rencontré un. »

« Marguerite revint. Ses beaux-fils l’attirèrent à l’autre bout de la chambre, et lui parlèrent bas quelques minutes. Aux regards qu’elle jetait vers nous, par intervalles, je conjecturai qu’ils s’informaient de ce que nous venions faire dans la cabane.

« La baronne, cependant, exprimait ses craintes que son mari ne fût bien inquiet d’elle. Elle avait eu l’intention d’envoyer un de ses valets informer le baron de ce retard ; mais ce que les jeunes gens lui racontaient de la forêt rendait ce plan impraticable. Claude la tira d’embarras : il lui apprit qu’il était obligé d’aller cette nuit à Strasbourg ; et si elle voulait le charger d’une lettre, elle pouvait compter qu’il la remettrait fidèlement.

« Et d’où vient, » dis-je, « que vous n’avez aucune crainte de rencontrer ces voleurs ? »

« Hélas ! monsieur, un pauvre homme, qui a une nombreuse famille, ne doit pas perdre un profit certain parce qu’il s’y joint un peu de danger ; et peut-être monseigneur le baron me donnera une bagatelle pour ma peine ; d’ailleurs, je n’ai rien à perdre que ma vie, et elle ne vaut pas la peine d’être prise par les voleurs. »

« Je trouvai le raisonnement mauvais, et je l’engageai à attendre jusqu’au matin ; mais comme la baronne ne me secondait point, je fus forcé de céder. La baronne Lindenberg, je l’ai reconnu par la suite, était depuis longtemps accoutumée à sacrifier l’intérêt des autres au sien, et le désir qu’elle avait d’envoyer Claude à Strasbourg l’aveu-