Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/129

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moins de vendre ma vie aussi cher que possible. Craignant que Baptiste ne s’aperçût de mon absence, et ne me soupçonnât d’avoir entendu le message dont Claude avait été chargé, je me hâtai de rallumer ma chandelle et de quitter la chambre. En descendant, je trouvai le couvert mis pour six personnes. La baronne était assise au coin du feu, Marguerite occupée à assaisonner une salade, et ses beaux-fils causaient ensemble à voix basse à l’autre bout de la pièce. Baptiste, qui avait le tour du jardin à faire pour atteindre la porte de la cabane, n’était point encore arrivé. Je m’assis tranquillement en face de la baronne.

« D’un coup d’œil je prévins Marguerite que son avis n’avait pas été perdu. Comme je la trouvais différente à présent ! ce qui m’avait paru d’abord humeur sombre et maussade, n’était plus que dégoût de ses compagnons, et compassion de mon danger. Je voyais en elle ma seule ressource ; mais la sachant surveillée d’un œil méfiant par son mari, je ne pouvais guère compter sur les efforts de sa bonne volonté.

« En dépit de toutes mes tentatives pour la cacher, mon agitation n’était que trop visiblement écrite sur mon visage. J’étais pâle, et mes paroles ainsi que mes gestes étaient pleins de désordre et de gêne ; les jeunes gens le remarquèrent, et en demandèrent la cause. Je l’attribuai à un excès de fatigue et au violent effet de ce froid rigoureux. S’ils me crurent ou non, je ne saurais le dire ; du moins ils cessèrent de m’embarrasser de leurs questions. J’essayai de distraire mon attention des périls qui m’environnaient en causant de différents sujets avec la baronne. Je parlai de l’Allemagne, et de l’intention où j’étais de la parcourir immédiatement : Dieu sait si en ce moment je croyais la voir jamais. Elle me répondit