Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/132

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jours de tels convives, voilà une occasion qui mérite une bouteille. »

« Il donna une clef à sa femme, et lui indiqua où elle trouverait le vin dont il parlait. Elle ne parut pas du tout charmée de la commission ; elle prit la clef d’un air d’embarras, et hésitait à se lever de table.

« As-tu entendu ? » dit Baptiste, d’un ton courroucé.

« Marguerite lui lança un regard mêlé de colère et de crainte, et quitta la salle. Il la suivit d’un œil méfiant jusqu’à ce qu’elle eût refermé la porte.

« Elle revint bientôt avec une bouteille cachetée de cire jaune. Elle la posa sur la table, et rendit la clef à son mari. Je soupçonnai que cette boisson ne nous était pas offerte sans dessein, et j’épiai les mouvements de Marguerite avec inquiétude. Elle était occupée à rincer quelques petits gobelets de corne ; quand elle les plaça devant son mari, elle vit que j’avais l’œil fixé sur elle ; et dans un moment où elle crut ne pas être observée des brigands, elle me fit signe de la tête de ne point goûter de cette liqueur ; puis elle se remit à sa place.

« Pendant ce temps là, notre hôte avait débouché la bouteille, et remplissant deux des gobelets, il les offrit à la dame et à moi. Elle fit d’abord quelques difficultés, mais les instances de Baptiste étaient si pressantes, qu’elle fut obligée d’accepter. Craignant d’éveiller les soupçons, je n’hésitai pas à prendre le gobelet qui m’était présenté : à l’odeur et à la couleur, je vis que c’était du vin de Champagne ; mais quelques grains de poudre qui flottaient à la surface, me convainquirent qu’il n’était pas sans mélange. Cependant, je n’osai pas exprimer ma répugnance à le boire ; je le portai à mes lèvres et fis semblant de l’avaler ; puis tout à coup quittant ma chaise, je courus en toute hâte à un vase plein d’eau placé à