Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/154

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vais vous confesser le nom de celle que j’aime, sans encourir votre ressentiment — »

« Elle m’interrompit.

« Et si je vous épargnais cet aveu ? Si je convenais que l’objet de vos désirs ne m’est pas inconnu ? Si je vous disais que celle que vous aimez vous paie de retour, et qu’elle déplore aussi sincèrement que vous-même le vœu fatal qui la sépare de vous ? »

« Ah ! doña Rodolpha ! » m’écriai-je, en tombant à genoux et en pressant sa main sur mes lèvres, « vous avez découvert mon secret ! Quelle est votre décision ? dois-je désespérer, ou puis-je compter sur votre bienveillance ? »

« Elle ne retira pas la main que je tenais, mais elle se détourna, et de l’autre se couvrit la figure.

« Comment puis-je vous la refuser ? » répliqua-t-elle : « Ah ! don Alphonso, il y a longtemps que j’ai remarqué à qui s’adressaient vos soins, mais ce n’est qu’aujourd’hui que je remarque l’impression qu’ils ont faite sur mon cœur. Enfin, je ne puis pas plus longtemps dissimuler ma faiblesse ni à moi-même ni à vous. Je succombe à la violence de ma passion, et j’avoue que je vous adore ! Voilà trois grands mois que j’étouffe mes désirs ; mais la résistance n’a fait que les accroître, et je cède à leur impétuosité. Fierté, crainte, honneur, respect de moi-même, mes serments au baron, tout est vaincu, je sacrifie tout à mon amour, et il me semble que c’est encore trop peu payer la possession de votre cœur. »

« Elle s’arrêta, attendant une réponse. Jugez, Lorenzo, de ma confusion à cette découverte. Je mesurai à l’instant toute la hauteur de l’obstacle que je venais de me susciter. La baronne avait pris pour son compte les soins que je lui rendais pour l’amour d’Agnès, et la force de ses expressions, les regards dont elle les avait accom-