Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/189

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dore s’amusait à regarder par la fenêtre une bataille entre deux postillons qui se querellaient dans la cour.

« Ah ! ah ! » s’écria-t-il tout à coup, « voici le grand Mogol ! »

« Qui ? » lui dis-je.

« Oh ! rien : un homme qui m’a tenu un étrange propos à Munich. »

« À quel sujet ? »

« À présent que vous m’y faites songer, señor, c’était une espèce de message pour vous ; mais vraiment il ne valait pas la peine qu’on s’en acquittât. Pour ma part, je crois que cet homme est fou. Quand je vins vous chercher à Munich, je le trouvai logé « au Roi des Romains, » et l’aubergiste me conta de singulières choses de lui. À son accent, on le suppose étranger, mais de quel pays, personne ne peut le dire. Il avait l’air de ne pas connaître une âme dans la ville ; il parlait très rarement, et jamais on ne le voyait sourire. Il n’avait ni domestiques, ni bagage ; mais sa bourse paraissait amplement garnie, et il faisait beaucoup de bien. Selon les uns, c’était un astrologue arabe ; selon d’autres, c’était un charlatan en voyage ; et plusieurs déclaraient que c’était le docteur Faust, que le diable avait renvoyé en Allemagne. Pourtant, l’aubergiste m’a dit qu’il avait les meilleures raisons de croire que c’était le grand Mogol gardant l’incognito. »

« Mais ce propos étrange, Théodore ? — »

« C’est vrai, j’avais presque oublié le propos. En vérité, quant à cela, ce n’aurait pas été une grande perte si je l’avais oublié tout à fait. Sachez donc, señor, qu’au moment où je questionnais l’aubergiste sur vous, l’étranger vint à passer ; il s’arrêta, et me regarda fixement. « Jeune homme, » dit-il d’une voix solennelle, « celui