Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/195

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son corps et son âme : jamais je ne lui rendrai sa promesse, jamais il ne connaîtra plus une nuit exempte de terreur, à moins qu’il ne s’engage à recueillir mes os qui tombent en poudre, et à les déposer dans le caveau de famille de son château d’Andalousie. Alors, que trente messes soient dites pour le repos de mon âme, et je ne troublerai plus ce monde. À présent, laissez-moi partir : ces flammes sont dévorantes ! »

« Il abaissa lentement la main qui tenait le crucifix, et que jusqu’alors il avait dirigée sur elle. L’apparition courba la tête, et sa forme s’évanouit dans l’air. L’exorciseur me fit sortir du cercle. Il replaça la Bible, etc., dans le coffre, puis il s’adressa à moi, qui me tenais près de lui, muet de stupeur.

« Don Raymond, vous avez entendu à quelles conditions le repos vous est promis : c’est à vous de les remplir à la lettre. Pour moi, il ne me reste qu’à dissiper l’obscurité qui est encore répandue sur l’histoire du spectre, et qu’à vous apprendre que, de son vivant, Béatrix portait le nom de Las Cisternas ; c’était la grand’tante de votre grand-père. Étant votre parente, vous devez du respect à ses cendres, quoique l’énormité de ses crimes soit faite pour exciter votre aversion. Quant à la nature de ces crimes, personne plus que moi n’est capable de vous l’expliquer : j’ai connu personnellement le saint homme qui mit fin à ses désordres nocturnes dans le château de Lindenberg, et je tiens ce récit de sa propre bouche.

« Béatrix de Las Cisternas prit le voile de fort bonne heure, non de son propre choix, mais sur l’ordre exprès de ses parents. — Elle était trop jeune alors pour regretter les plaisirs dont ses vœux la privaient ; mais dès que son tempérament chaud et voluptueux commença à se développer, elle s’abandonna librement à l’entraîne-