Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment de ses passions, et saisit la première occasion de les satisfaire. Cette occasion se présenta enfin, après maint obstacle qui n’avait fait qu’ajouter à la véhémence de ses désirs. Elle parvint à s’évader du couvent, et s’enfuit en Allemagne avec le baron de Lindenberg. Elle vécut plusieurs mois dans le château de son amant, en concubinage avoué. Toute la Bavière fut scandalisée de sa conduite imprudente et déréglée. Ses fêtes rivalisaient de luxe avec celles de Cléopâtre, et Lindenberg devint le théâtre de la débauche la plus effrénée. Non contente d’étaler l’incontinence d’une prostituée, elle fit profession d’athéisme : elle ne perdit pas une occasion de se moquer de ses vœux monastiques et de tourner en ridicule les cérémonies les plus sacrées de la religion.

« Avec un caractère si dépravé, elle ne pouvait longtemps borner son affection à un seul objet. Peu après son arrivée au château, le frère cadet du baron attira son attention par ses traits fortement prononcés, par sa taille gigantesque et par ses membres athlétiques. Elle n’était pas d’humeur à dissimuler longtemps ses inclinations ; mais elle trouva dans Othon de Lindenberg son égal en dépravation. Il répondit à sa passion tout juste assez pour l’accroître ; et quand il l’eut montée au point désiré, il exigea pour prix de son amour l’assassinat de son frère. La malheureuse acquiesça à cette horrible convention ; une nuit fut choisie pour faire le coup. Othon, qui résidait dans un petit domaine à peu de milles du château, promit qu’à une heure du matin il l’attendrait au trou de Lindenberg, qu’il amènerait avec lui une troupe d’amis sûrs à l’aide desquels il ne doutait pas d’être en état de se rendre maître du château, enfin que son premier soin serait de l’épouser. Ce fut cette dernière promesse qui surmonta tous les scrupules de Béatrix, attendu que, malgré