Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/198

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bu le sang de don amant, et tenant la lampe qui avait guidé ses pas fugitifs, chaque nuit elle était debout devant le lit d’Othon. La plus effrayante confusion régnait dans le château. Les salles voûtées retentissaient de cris et de gémissements ; et le spectre, en rôdant le long des galeries, proférait un mélange incohérent de prières et de blasphèmes. Othon n’eut pas la force de soutenir le choc de cette vision épouvantable. L’horreur s’en accrut à chaque apparition nouvelle. Ses alarmes à la fin devinrent si intolérables, que son cœur se brisa, et qu’un matin, dans son lit, on le trouva entièrement privé de chaleur et de mouvement. Sa mort ne mit pas fin aux désordres nocturnes. Les os de Béatrix continuaient d’être privés de sépulture, et son ombre continua de hanter le château.

« Les domaines de Lindenberg échurent à un parent éloigné. Mais, terrifié des récits qu’on faisait de la nonne sanglante (c’est ainsi que le spectre était nommé par la multitude), le nouveau baron appela un célèbre exorciseur. Ce saint homme réussit à forcer la nonne à un repos temporaire ; mais, quoiqu’elle lui eût révélé son histoire, il n’avait pas la permission de la répéter, ni de faire transporter le squelette en terre sainte. Ce devoir vous était réservé ; et jusqu’à votre venue l’ombre était condamnée à errer dans le château et à déplorer le crime quelle y avait commis. Toutefois, l’exorciseur la contraignit au silence tout le temps qu’il vécut. Pendant cet intervalle la chambre où elle revenait fut fermée, et la nonne demeura invisible. Quand il fut mort, ce qui arriva cinq ans après, elle reparut, mais seulement une fois tous les cinq ans, le même jour et à la même heure où elle avait plongé son couteau dans le cœur de son amant endormi : elle visitait alors la caverne qui contenait son squelette pou-