Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/214

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Ayant lu cette lettre, Lorenzo la rendit en silence. Le marquis la remit dans le secrétaire et continua :

« Ma joie fut excessive à cette nouvelle si ardemment désirée et si peu attendue. Mon plan fut bientôt combiné. — Quand don Gaston me découvrit la retraite de sa fille, je n’avais pas mis en doute qu’elle serait disposée à quitter le couvent. J’avais donc confié toute l’affaire au cardinal-duc de Lerme, qui s’était immédiatement occupé d’obtenir la bulle nécessaire. Par bonheur, j’avais depuis négligé d’arrêter ses démarches. Dernièrement une lettre de lui m’a annoncé qu’il s’attendait de jour en jour à recevoir l’ordre de la cour de Rome. Je me serais volontiers reposé sur cet espoir ; mais le cardinal ajoutait que je devais trouver quelque moyen de retirer Agnès du couvent à l’insu de la supérieure. Il ne doutait pas que cette dernière ne fût fort irritée que sa communauté perdît une personne d’un si haut rang, et qu’elle ne considérât la renonciation d’Agnès comme une insulte pour sa maison. Il la représentait comme une femme d’un caractère violent et vindicatif, et capable de pousser les choses aux dernières extrémités. Il y avait donc lieu de craindre qu’en retenant Agnès au couvent elle ne frustrât mon attente et n’éludât l’ordre du pape. Cédant à cette considération, je résolus d’enlever ma maîtresse, et de la cacher dans les terres du cardinal-duc jusqu’à l’arrivée de la bulle. Il approuva mon dessein, et se déclara prêt à donner asile à la fugitive. Alors je fis arrêter secrètement le nouveau jardinier de Sainte-Claire, et je l’enfermai dans mon hôtel. Par ce moyen je devins maître de la clef de la porte du jardin, et je n’eus plus rien à faire qu’à préparer Agnès à son évasion. Je l’ai fait par la lettre que vous m’avez vu déposer ce soir ; je lui ai dit que je serais prêt à la recevoir demain à minuit, que je