Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/219

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L’enfant présenta son papier avec une répugnance apparente ; mais la satisfaction qui brillait dans ses yeux noirs et expressifs trahissait la vanité de son petit cœur. Le marquis sourit en observant les émotions d’une âme peu habile encore à voiler ses sentiments. Il s’assit sur un sofa. Théodore, visiblement partagé entre la crainte et l’espérance, attendit avec anxiété la décision de son maître, qui lut les vers suivants :

L’AMOUR ET LA VIEILLESSE.

La nuit était noire ; un vent froid soufflait ; Anacréon, devenu vieux et morose, était assis près de son feu et entretenait la flamme joyeuse. Soudain la porte de la chaumière s’ouvre, et voilà que l’amour paraît devant lui ; il jette alentour un coup d’œil amical, et le salue par son nom.

« Comment ! est-ce toi ? » s’écria d’un ton mécontent le vieillard qui tressaillit, et dont la colère fit monter le rouge à sa joue pâle et ridée. « Voudrais-tu encore enflammer mon sein de la rage amoureuse ? L’âge l’a bronzé, enfant présomptueux ; et pour le percer, tes flèches sont trop faibles.

« Que cherches-tu dans ce sombre désert ? Ni les ris ni les jeux n’habitent ici. Jamais ces vallées n’ont vu de doux ébats ; un éternel hiver tient les plaines enchaînées ; l’âge règne en despote dans ma maison ; mon jardin est sans fleurs et mon sein est sans chaleur.

« Va-t’en, cherche le bocage verdoyant où quelque vierge nubile courtise ta puissance ; ordonne aux songes excitants de voltiger autour de son lit. Repose sur le cœur amoureux de Damon, folâtre sur la lèvre de rose de Chloé, ou fais de sa joue rougissante un coussin pour ta tête.

« C’est là que tu dois séjourner. Évite ces régions froides, et ne pense pas que, devenue vieille et sage, cette tête blanchie portera de nouveau ton joug. Je me souviens que mes plus belles années furent remplies par toi de soupirs et de larmes : je crois ton amitié fausse, et j’évite le piège trompeur.

« Je n’ai point encore oublié les peines que j’éprouvai dans