Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saient de larmes au souvenir de ma terre natale. Gonzalvo aussi — mon mari — »

Elvire s’arrêta. Sa voix tremblait, et elle se couvrit le visage de son mouchoir. Après un court silence, elle se leva et poursuivit.

« Excusez-moi de vous quitter quelques instants. La mémoire de ce que j’ai souffert m’a fort agitée, et j’ai besoin d’être seule. Jusqu’à mon retour, examinez ces vers. Après la mort de mon mari, je les ai trouvés dans ses papiers. Si j’avais su plus tôt qu’il était en proie à de tels sentiments, le chagrin m’aurait tuée. Il a écrit ces stances lorsqu’il partit pour Cuba, l’âme obscurcie par la tristesse, au point d’oublier qu’il avait une femme et des enfants. Ce que nous perdons nous semble toujours le plus précieux. Gonzalvo quittait l’Espagne pour toujours, et par conséquent l’Espagne était plus chère à ses yeux que tout ce que le monde renfermait. Lisez-les, don Lorenzo ; elles vous donneront une idée des souffrances d’un banni. »

Elvire mit un papier dans la main de Lorenzo, et se retira dans sa chambre. Le jeune homme, l’ayant ouvert, y trouva ce qui suit.

L’EXILÉ.

Adieu, Espagne, ma patrie ! adieu pour jamais ! Ces yeux bannis ne verront plus tes côtes : un sombre présage dit à mon cœur que jamais les pas de Gonzalvo ne fouleront plus ton rivage.

Les vents se taisent, tandis que d’un cours paisible le vaisseau trace un léger sillon sur la plaine unie des mers. Je sens défaillir le courage trop vanté de mon cœur, et je maudis les vagues qui m’emportent loin de l’Espagne.

Je l’aperçois encore ! Là-bas, sous le ciel bleu et limpide, se dressent encore ses clochers bien-aimés. De cette pointe es-