Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/243

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tranquillisé à ce sujet, viendrait, sans perdre de temps, assurer doña Elvire de son amitié et de son appui. »

La dame secoua la tête.

« Je tremble pour votre sœur, » dit-elle ; « j’ai entendu citer plusieurs traits de caractère de la supérieure de Sainte-Claire par une de mes amies qui a été élevée dans le même couvent qu’elle : elle me l’a dépeinte comme hautaine, inflexible, superstitieuse et vindicative ; j’ai su depuis qu’elle est infatuée de l’idée de rendre son couvent le plus régulier de Madrid, et de ne jamais pardonner à celles dont l’imprudence le couvrirait de la moindre tache. Quoique naturellement violente et sévère, quand son intérêt le réclame elle sait prendre l’apparence de la douceur ; elle ne néglige rien pour attirer dans sa communauté les jeunes personnes d’un haut rang. Une fois irritée, elle est implacable, et ne recule pas devant les mesures les plus rigoureuses lorsqu’il s’agit de punir la coupable. Certainement elle doit regarder comme un déshonneur pour le couvent que votre sœur en sorte ; elle usera de tous les artifices pour éviter d’obéir au mandat de sa Sainteté, et je frissonne de penser que doña Agnès est dans les mains de cette dangereuse femme. »

Lorenzo se leva pour prendre congé. Elvire, au départ, lui tendit sa main, qu’il baisa respectueusement ; et après avoir dit qu’il espérait bientôt avoir d’Antonia la même faveur, il retourna à son hôtel. La dame fut parfaitement satisfaite de la conversation qu’ils venaient d’avoir ; elle envisagea avec complaisance la perspective d’un tel parti ; mais la prudence lui fit cacher à sa fille les espérances flatteuses qu’elle commençait elle-même à se hasarder d’entretenir.

À peine il faisait jour que déjà Lorenzo était au couvent, muni du mandat nécessaire. Les nonnes étaient à