Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/242

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« Je serai franche avec vous, don Lorenzo : malgré le peu de probabilité qu’une telle union ait jamais lieu, je crains qu’elle ne soit désirée trop ardemment par ma fille. Vous avez fait sur son jeune cœur une impression qui me donne les plus sérieuses alarmes ; pour empêcher cette impression de s’accroître, je suis obligée de refuser toute relation avec vous. Quant à moi, vous pouvez être sûr que je me réjouirais d’établir ma fille si avantageusement ; je sens que ma santé, altérée par les chagrins et la maladie, ne me permet pas d’espérer un long séjour dans ce monde, et je tremble de la laisser sous la protection d’un étranger. Le marquis de Las Cisternas m’est totalement inconnu ; il se mariera : sa femme peut voir Antonia de mauvais œil, et la priver de son unique ami. Si le duc, votre oncle, donne son consentement, vous pouvez compter sur le mien et sur celui de ma fille ; mais sans cela, n’espérez pas le nôtre. En tous cas, quelque parti que vous preniez, quelle que puisse être la décision du duc, tant que vous ne la connaîtrez pas, je vous demande de ne point achever par votre présence de troubler la paix d’Antonia. Si vos parents vous autorisent à la rechercher en mariage, ma porte à l’instant vous est ouverte ; s’ils vous refusent leur sanction, contentez-vous de mon estime et de ma reconnaissance, mais souvenez-vous que nous ne devons plus nous revoir. »

Lorenzo promit à contre-cœur de se soumettre à ce décret : mais il ajouta qu’il espérait bientôt obtenir le consentement qui devait lui donner le droit de renouveler ses visites. Il expliqua alors à doña Elvire pourquoi le marquis n’était pas venu en personne, et ne se fit aucun scrupule de lui confier l’histoire de sa sœur. Il termina en disant « qu’il avait l’espoir de mettre Agnès en liberté le lendemain, et que don Raymond, dès qu’il serait