Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/31

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plus longtemps. Quoique le moine eût cesse de parler, un silence d’admiration régnait encore dans l’église. À la fin, le charme s’étant dissipé par degrés, l’enthousiasme général se manifesta hautement. Ambrosio descendait de la chaire : on l’entoura, on le combla de bénédictions, on tomba à ses pieds, on baisa le bord de sa robe. Il passa lentement, les mains dévotement croisées sur sa poitrine, jusqu’à la porte qui donnait dans la chapelle du couvent, et où ses moines attendaient son retour. Il monta les marches, et alors, se tournant vers ceux qui le suivaient, il leur adressa quelques mots de reconnaissance et d’exhortation. Comme il parlait, son rosaire, composé de gros grains d’ambre, lui échappa de la main, et roula au milieu de la multitude. Elle s’en saisit avec avidité, et se le partagea immédiatement. Tous ceux qui purent en avoir un grain, le conservèrent comme une précieuse relique ; et quand c’eût été le chapelet du trois fois béni saint François lui-même, on ne se le serait pas disputé avec plus d’ardeur. Le prieur sourit de leur empressement, et leur ayant donné sa bénédiction, il quitta l’église. L’humilité était sur tous ses traits : était-elle aussi dans son cœur ?

Antonia le suivit des yeux avec anxiété. Il lui sembla, quand la porte se referma sur lui, qu’elle venait de perdre quelque chose d’essentiel à son bonheur ; une larme roula en silence sur sa joue.

« Il est séparé du monde ! » se dit-elle ; « peut-être ne le verrai-je plus ! »

Comme elle essuyait cette larme, Lorenzo remarqua son mouvement.

« Êtes-vous contente de notre prédicateur ? » dit-il ; « ou pensez-vous que Madrid élève trop haut son talent ? »