Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/35

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retard de sa réponse. Où puis-je vous l’adresser ? »

« On peut toujours me trouver au palais Médina. »

« Vous aurez de mes nouvelles ; vous pouvez y compter. Adieu, cavaliers. Señor comte, modérez, je vous en conjure, l’excessive ardeur de votre passion. Cependant, pour vous prouver que je ne m’en offense point, et pour vous empêcher de vous abandonner au désespoir, recevez cette marque de mon affection ; et, dans l’absence, accordez parfois une pensée à Léonella. »

En disant cela, elle lui tendit une main sèche et ridée, que son amoureux supposé baisa de si mauvaise grâce et d’un air de contrainte si évident, que Lorenzo eut peine à retenir son envie de rire. Léonella alors se hâta de quitter l’église : l’aimable Antonia la suivit en silence ; mais quand elle atteignit le portail, elle se tourna involontairement, et ses yeux se reportèrent sur Lorenzo. Il la salua en signe d’adieu : elle rendit la politesse, et se retira précipitamment.

« Eh bien ! Lorenzo, » dit don Christoval aussitôt qu’ils furent seuls, « vous m’avez procuré une agréable intrigue ! Pour favoriser vos projets sur Antonia, je fais obligeamment quelques honnêtetés insignifiantes à sa tante, et, en une heure, me voilà à la veille d’un mariage ! Comment me récompenserez-vous de tout ce que j’ai souffert pour vous ? Puis-je être jamais dédommagé du baiser qu’il m’a fallu donner sur la patte tannée de cette maudite sorcière ? Diavolo ! elle m’a laissé une telle odeur sur les lèvres, que je sentirai encore l’ail dans un mois d’ici ! Quand je passerai dans le Prado, on me prendra pour une omelette ambulante, ou pour quelque gros ognon monté en graine. »

« Je confesse, mon pauvre comte, » répliqua Lorenzo, « que votre service n’a pas été sans danger. Pourtant, je