Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/78

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tion. Je vous regarde comme un saint ; prouvez-moi que vous n’êtes rien de plus qu’un homme, et je vous quitte avec dégoût. Est-ce donc de moi que vous redoutez la tentation ? de moi, en qui les plaisirs enivrants du monde n’ont excité que mépris ? de moi, dont l’attachement ne se fonde que sur l’idée que vous êtes exempt de la fragilité humaine ? Oh ! repoussez ces injurieuses appréhensions ! ayez une plus noble opinion de moi ; ayez-en une plus noble de vous-même. Je suis incapable de vous pousser au mal ; et certes, votre vertu repose sur une base trop ferme pour être ébranlée par des désirs illégitimes. Ambrosio ! cher Ambrosio ! ne me chassez pas de votre présence ; souvenez-vous de votre promesse, et autorisez-moi à rester. »

« Impossible, Mathilde. Votre intérêt me commande de vous refuser, car si je tremble, c’est pour vous et non pas pour moi. Après avoir vaincu l’effervescence impétueuse de la jeunesse, après avoir passé trente ans dans la mortification et la pénitence, je pourrais en toute sûreté vous permettre de rester ici, sans craindre que vous m’inspiriez aucun sentiment plus vif que la compassion ; mais, pour vous-même, ce séjour dans le couvent ne peut produire que de funestes conséquences. Vous interpréterez mal chacune de mes paroles et de mes actions ; vous saisirez avidement chaque circonstance qui vous encouragera à espérer un retour d’affection ; insensiblement vos passions deviendront plus fortes que votre raison, et, loin que ma présence les réprime, chaque moment que nous passerons ensemble ne servira qu’à les irriter. Croyez-moi, femme infortunée, vous avez ma pitié sincère. Je suis convaincu que vous avez agi jusqu’à présent dans les intentions les plus pures ; mais si vous êtes aveuglée sur l’imprudence de votre conduite, il se-