Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/79

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rait coupable à moi de ne point vous ouvrir les yeux. Je sens que le devoir m’oblige de vous traiter avec rigueur ; je dois rejeter votre prière et dissiper toute ombre d’espérance qui entretiendrait des sentiments si pernicieux à votre repos. Mathilde, vous partirez d’ici demain. »

« Demain, Ambrosio ? demain ? oh ! ce n’est pas là ce que vous voulez dire ! vous n’avez pas résolu de me pousser au désespoir ! vous n’aurez pas la cruauté — »

« Vous avez entendu ma décision, obéissez. Les lois de notre ordre interdisent votre séjour ici ; ce serait un parjure de cacher qu’une femme est dans cette enceinte, et mes vœux m’obligent à révéler votre histoire à la communauté. Il faut partir ; je vous plains, mais je ne puis rien de plus. »

Il prononça ces paroles d’une voix faible et tremblante ; puis, se levant de son siège, il allait s’acheminer vers le monastère : Mathilde poussa un grand cri, et le retint.

« Arrêtez un seul moment, Ambrosio ! écoutez un seul mot ! »

« Je n’ose pas : laissez-moi ; vous connaissez ma détermination. »

« Mais un seul mot ! rien qu’un seul, et ce sera fait ! »

« Laissez-moi ; vos prières sont vaines, il faudra partir demain. »

« Allez donc, barbare ! mais cette ressource me reste ! »

Aussitôt elle tira un poignard ; elle déchira sa robe et plaça la pointe de l’arme sur sa poitrine.

« Mon père, je ne sortirai pas vivante de ces murs. »

« Arrêtez ! arrêtez, Mathilde ! que faites-vous ? »

« Vous êtes déterminé, et moi aussi. Aussitôt que vous me quitterez, je me plonge ce poignard dans le cœur. »