Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/88

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prieur avait dû être piqué par un mille-pieds[1] ; le venin que vous voyez sur ma lancette confirme cette idée. Il ne peut pas vivre trois jours. »

« Et ne peut-on trouver aucun remède ? » demanda Rosario.

« Pour le sauver, il faudrait extraire le poison, et le moyen de l’extraire est encore un secret pour moi. Tout ce que je puis faire, c’est d’appliquer des herbes sur la blessure pour en diminuer la douleur ; le malade reprendra connaissance ; mais le venin corrompra toute la masse de son sang, et dans trois jours il n’existera plus. »

Cette décision remplit tout les cœurs d’une excessive affliction. Pablos, comme il l’avait promis, pansa la plaie, et se retira, suivi de ses compagnons. Rosario seul resta dans la cellule, le supérieur, à sa prière instante, ayant été confié à ses soins. Ambrosio, dont les forces avaient été épuisées par la violence de ses convulsions, venait de tomber dans un profond sommeil. Il était tellement accablé de fatigue, qu’il donnait à peine signe de vie. Il était encore dans cet état, lorsque les moines revinrent s’informer si quelque changement avait eu lieu. Pablos défit l’appareil, plutôt par curiosité que dans l’espérance de découvrir aucun symptôme favorable. Quel fut son étonnement de trouver que l’inflammation avait totalement cessé ! il sonda la plaie ; sa lancette en sortit nette et pure, on ne voyait aucune trace du venin ; et n’était que l’orifice en était encore visible, Pablos aurait douté que la blessure eût jamais existé.

  1. Le mille-pieds passe pour être originaire de Cuba et avoir été apporté de cette île en Espagne par le vaisseau de Christophe Colomb.