Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/89

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Il donna cette nouvelle à ses frères ; leur joie n’eut d’égale que leur surprise. Toutefois, cette dernière impression céda bientôt à une explication de cet événement toute conforme à leurs idées. Ils furent parfaitement convaincus que leur supérieur était un saint, et pensèrent qu’il était tout naturel que saint François eût opéré un miracle en sa faveur. Cette opinion fut adoptée unanimement. Ils la proclamèrent si bruyamment, et crièrent « Au miracle ! au miracle ! » avec tant de ferveur, qu’ils interrompirent le sommeil d’Ambrosio.

Les moines aussitôt entourèrent son lit, et exprimèrent leur satisfaction de son merveilleux rétablissement. Il avait parfaitement sa connaissance, et de ses souffrances il ne lui restait qu’un sentiment de faiblesse et de langueur. Pablos lui donna une médecine fortifiante, et lui conseilla de garder le lit encore deux jours. Puis il se retira, après avoir recommandé à son malade de ne pas s’épuiser à parler, mais de tâcher de prendre quelque repos. Les autres moines suivirent son exemple, et le prieur et Rosario furent laissés sans témoins.

Pendant quelques minutes, Ambrosio considéra sa garde-malade avec un mélange de plaisir et d’appréhension. Elle était assise sur le bord du lit ; sa tête était inclinée, et, comme d’ordinaire, enveloppée dans son capuchon.

« Et vous êtes encore ici, Mathilde ? » dit enfin le prieur ; « n’êtes-vous pas satisfaite d’avoir été si près de causer ma ruine, qu’un miracle seul a pu me sauver du tombeau ? Ah ! sans doute le ciel a envoyé ce serpent pour punir — »

Mathilde l’interrompit en lui mettant sa main devant les lèvres d’un air d’enjouement.

« Chut ! mon père, chut ! il ne faut pas parler. »