Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/9

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L’auteur du Moine, Matthew-Gregory Lewis, né en 1773, était fils unique de Matthew Lewis, qui occupa longtemps le poste élevé et lucratif de secrétaire suppléant au ministère de la guerre, et de miss Sewell, dont la famille possédait des biens considérables à la Jamaïque. Au sortir de l’école de Westminster, son père l’envoya dans une université d’Allemagne pour apprendre la langue du pays. Le diable, à cette époque, était fort honoré dans la littérature allemande : notre auteur apprenti se prosterna, comme tout le monde, devant le pied fourchu, et lui voua, dès lors, un culte dont il ne s’est point départi.

Le Moine fut la première et la plus riche de ses offrandes. Lorsqu’il le composa, il n’avait guère plus de vingt ans, comme il nous l’apprend lui-même dans une préface en vers qu’on trouvera traduite ci-après. Ce roman, à son apparition, fit sensation de plus d’une manière ; car, tandis que le public, d’accord avec les connaisseurs, applaudissait à l’intérêt puissant de la composition et à la sombre vigueur du coloris, une des sociétés protectrices de la morale, alarmée de la vivacité de certains détails, alarmée peut-être aussi d’un passage sur le danger de mettre la Bible complète aux mains des jeunes filles, menaçait l’auteur d’un procès, et le procureur-général avait même commencé devant la cour du banc du roi à réaliser cette menace.

Ne se souciant pas d’accepter la lutte inégale que Byron plus tard devait soutenir à ses risque et péril, Lewis laissa les défenseurs officieux de la morale s’évertuer à retirer de la circulation les preuves de son méfait, et, dégoûté sans doute par ces tracasseries, il tourna ses vues vers la politique, et vint peu de temps après représenter au parlement le bourg de Hindon. Mais la politique n’était point son fait : ni la nature ni l’éducation ne l’avaient doué de cet aplomb qui est la base indispensable de toute éloquence ; et, après avoir joué aux communes un rôle parfaitement obscur, il rentra dans la carrière des lettres, où désormais le retinrent de nombreux et brillants succès.

Le Moine, qui, par l’ampleur des proportions et par le peu de fini des détails, tient plus de la décoration que du tableau, annonçait surtout un talent dramatique. En effet, ce fut par le théâtre que Lewis fit sa rentrée, et la réussite éclatante de son