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qu’importe encore ! L’homme, suivant la célèbre comparaison de Nietzsche, est une corde tendue entre l’animal et le Surhomme, il n’est pas un but mais un pont, un passage. Périsse donc l’homme pour que le Surhomme vive.

« Je vous enseigne le Surhomme, dit Zarathustra au peuple assemblé. L’homme est quelque chose qui doit être dépassé. Qu’avez-vous fait pour le dépasser ?

Tous les êtres ont jusqu’ici créé quelque chose de plus haut qu’eux-mêmes, et vous voudriez être le reflux de cette immense marée, et plutôt revenir à la bête que dépasser l’homme.

Qu’est-ce que le singe pour l’homme ? Un objet de risée ou de honte et de douleur. Et c’est là aussi ce que l’homme doit être pour le Surhomme : un objet de risée et de honte et de douleur.

Voyez, je vous enseigne le Surhomme.

Le Surhomme est la raison d’être de la terre. Votre volonté dira : Que le Surhomme soit la raison d’être de la terre[1]. »


II


Qu’est-ce que le Surhomme et comment l’homme pourra-t-il lui donner naissance ?

On peut définir le Surhomme : l’état auquel atteindra l’homme lorsqu’il aura renoncé à la hiérarchie actuelle des valeurs, à l’idéal chrétien, démocratique ou ascétique qui a cours aujourd’hui dans toute l’Europe moderne, pour revenir à la table des valeurs admise parmi les races nobles, parmi les Maîtres qui créent eux-mêmes les valeurs qu’ils reconnaissent au lieu de les recevoir du dehors. Bien entendu il ne s’agit nullement de revenir en arrière, de faire renaître après des siècles de civilisation, la « bête aux cheveux blonds » des temps primitifs. L’homme ne doit perdre aucune des connaissances, des

  1. W. VI, 13.