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Page:Lichtenberger - La Philosophie de Nietzsche.djvu/165

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aussitôt : « Est-ce que je jouerais avec des dés pipés ? » Il n’ignore pas que la joie et la douleur vont toujours de pair. L’homme peut traverser la vie sans grand plaisir et sans grande douleur, dans un état d’àme voisin de l’indifférence, mais c’est à condition de réduire au minimum sa vitalité. Celui qui veut connaître les grandes joies doit aussi fatalement connaître les grandes douleurs ; toute oscillation dans un sens est compensée par une oscillation dans l’autre. Le « créateur de valeurs » qui a foi dans la vie, qui veut la vie aussi intense, aussi puissante que possible, veut donc aussi les oscillations les plus amples autour du point d’équilibre ; il veut connaître les sommets extrêmes du bonheur et du malheur, les plus enivrantes victoires comme les plus terribles défaites ; il doit « marcher au-devant de sa suprême douleur et de sa suprême espérance tout à la fois[1] », tendre en même temps au triomphe et à l’anéantissement. Zarathustra meurt en atteignant le point culminant de son existence. Le Surhomme est à la fois la victoire suprême et aussi la fin de l’homme.

De même que le sage doit être dur pour lui et ne reculer devant aucune souffrance, de même il doit aussi savoir être dur pour les autres. Il y a des infortunes qu’il est inhumain de soulager ; il y a des mal-venus, des dégénérés dont il ne faut pas retarder la fin. « Partout, dit Zarathustra, retentit la voix de ceux qui prêchent la mort, et la terre est pleine de gens à qui la mort doit être prêchée — ou bien « la vie éternelle » peu m’importe — pourvu qu’ils s’en aillent bien vite[2]. » Aux pessimistes, aux découragés, aux mélancoliques, aux miséricordieux, aux ascètes de toute sorte qui vont partout disant : « La vie n’est que souffrance », le sage doit répondre : « Faites

  1. W. V, 204.
  2. W. VI, 65.