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logie de la Morale (1887). En 1888 son activité intellectuelle redouble encore. Tout en travaillant au grand ouvrage dans lequel il voulait condenser l’expression définitive de ses idées, la Volonté de puissance, il compose au printemps le Cas Wagner (mai et juin), en été les Dithyrambes à Dionysos (août) et le Crépuscule des Idoles (fin août, début de septembre) ; du 3 au 30 septembre il écrit la première partie de la Volonté de puissance : l’Anti-chrétien ; vers la mi-décembre encore il rédige Nietzsche contre Wagner… Peu de temps après, dans les premiers jours de janvier, la folie se déclarait.

Nous ne savons pas avec précision la nature du mal dont souffrait Nietzsche. Son cas paraît avoir embarrassé les médecins qui l’ont traité. Sa sœur qui l’a soigné à diverses reprises avec un admirable dévouement incline à croire que son mal a été accidentel et non pas congénital : il aurait eu pour cause première la maladie contractée par lui en 1870 dans les ambulances : au lieu de s’imposer un repos prolongé pour se remettre de la secousse physique et morale qu’il avait ressentie, Nietzsche, à peine guéri, avait repris immédiatement ses travaux. Le surmenage, aggravé par une mauvaise hygiène et par l’abus des médicaments, aurait, d’après Mme  Förster-Nietzsche, ruiné peu à peu la santé de son frère. — Il est difficile, d’autre part, étant donnée la nature du mal de Nietzsche, d’écarter absolument l’hypothèse d’une influence héréditaire. Nietzsche lui-même ne se faisait pas d’illusions sur ce point : il était persuadé que le germe de sa maladie lui venait de son père et pendant sa grande crise de 1880 il attendait d’un moment à l’autre « la congestion cérébrale qui le délivrerait de ses souffrances[1] ». — Il ne faudrait pas, cependant, se hâter de conclure de là que la folie a

  1. Journal de 1888 (Ecce homo) et lettre du 11 janvier 1880 cités par Mme  Förster-Nietzsche, II, 1 p. 327 et 336.