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existé chez Nietzsche à l’état latent pendant toute sa vie et qu’elle a influé sur son œuvre entière. Le bruit a couru, il est vrai, que Nietzsche aurait été interné à diverses reprises dans des maisons de santé et « qu’il avait écrit ses œuvres essentielles entre deux séjours dans un établissement d’aliénés[1]». Mais ces « on-dit » ont été catégoriquement démentis tant par Nietzsche, dans la dernière année de sa vie consciente[2], que par les personnes de son entourage, dont il serait difficile de récuser le témoignage sans preuves absolument positives. — Il paraîtrait même, au contraire, que la maladie n’a jamais provoqué chez lui, même pendant les accès les plus violents, aucun trouble intellectuel ; — le fait est affirmé à diverses reprises par Nietzsche et confirmé par sa sœur. Il écrivait en 1888 : « Pendant les tortures provoquées par des maux de tête accompagnés de nausées et se prolongeant sans interruption pendant trois jours, je conservais une extraordinaire lucidité de raisonnement, et pouvais avec un très grand sang-froid résoudre des problèmes pour lesquels je n’ai, dans mon état normal, pas assez d’agilité, ni de subtilité, ni la tête assez froide... Tous les troubles morbides de l’intelligence, même cette demi-torpeur qu’amène la fièvre, me sont restés jusqu’à ce jour choses absolument inconnues[3]. » « Mon pouls, écrivait-il encore, était aussi lent que celui de Napoléon Ier. (= 60)[4] » Il convient de remarquer, d’ailleurs, que la plupart des ouvrages essentiels de Nietzsche datent de cette période comprise entre 1882 et 1887 pendant laquelle son état s’améliora notablement. Enfin il faut noter que la folie paraît s’être déclarée chez lui tout à fait brusquement. Ni dans ses écrits, ni dans les

  1. M. Nordau. Dégénérescence, II, 370.
  2. Brandes. Menschen u. Werke, p. 140.
  3. Journal de 1888 (Mme Förster-Nielzsche, II, 1, p. 328) ; cf. lettre du 10 avril 1888 (Brandes. Menschen u. Werke, p. 140).
  4. Brandes. Menschen u. Werke, p. 140.