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Page:Lichtenberger - Novalis, 1912.djvu/10

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LA JEUNESSE DE NOVALIS

dort un étang noir. C’est dans cette sombre et hautaine demeure, dans un rez-de-chaussée humide et sans jour, que se passent les premières années de Novalis.

Et l’athmosphère morale dans laquelle il grandit est également imprégnée d’austérité et de tristesse. Son père, Erasme, gentilhomme de haute culture et de caractère fortement trempé, s’était converti au piétisme le plus sévère après une jeunesse orageuse et une existence assez accidentée. La mort de sa première femme qu’il aimait passionnément, emportée après quelques mois de bonheur, au cours d’une épidémie de petite vérole, lui était apparue comme un avertissement du ciel. L’instinct de piété, héréditaire dans sa famille s’était brusquement éveillé en lui. Résolu à expier par une existence consacrée à Dieu les désordres de sa vie passée, il avait rompu avec le monde pour se vouer à la dévotion et au travail. Avec les années, il était devenu un solitaire misanthrope et autoritaire, tourmenté de scrupules religieux, hanté par une tristesse qu’il n’avait jamais réussi à secouer, cherchant l’oubli dans un labeur acharné, dur pour les autres et plus encore pour lui-même, distant envers tout le monde, sans tendresse même pour ses proches. La mère de Novalis était une timide et frêle créature, une cousine pauvre que Erasme de Hardenberg avait épousée en secondes noces. Humble-