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LA JEUNESSE DE NOVALIS

ment dévouée à son redoutable mari, épuisée par la naissance consécutive de onze enfants, il semble qu’elle ait glissé à travers la vie comme une ombre mélancolique, aimante et douce, mais sans joie ni gaîté, délicate et trop impressionnable, souvent malade, hantée parfois par des idées noires. Ainsi la jeunesse de notre futur poète s’écoula monotone et solitaire — car le vieux Hardenberg ne tolérait personne auprès de lui ni autour des siens, — entre ce père qui lui inspirait plus de respect que d’affections et contre lequel sa nature indépendante commençait à se révolter, cette mère résignée, lasse, effacée et ses frères qui étaient ses seuls camarades de jeux et qu’il aimait tendrement.

Au point de vue physique nul doute que Novalis n’ait hérité de ses parents et spécialement de sa mère un élément morbide. Toute cette génération de Hardenberg présente en effet des symptômes pathologiques irrécusables. Sur les dix frères et sœurs qu’avait Novalis, un seul survit à ses parents. Tous les autres meurent prématurément, les uns tout jeunes, les autres avant la trentaine. Plusieurs succombent aux atteintes de la tuberculose. Chez d’autres se manifestent des troubles nerveux, une tendance à l’hypocondrie, voire même à une sorte d’hystérie. Que des prédispositions héréditaires maladives aient existé aussi chez Novalis, cela n’est point douteux. Je n’ai pas l’intention de faire