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DOCTRINE PHILOSOPHIQUE DE NOVALIS

gination productrice. Et par conséquent aussi, conclut Novalis, il y a le même degré de réalité dans toutes nos représentations, dans celles que nous appelons le monde réel aussi bien que dans les fictions de l’imagination poétique. Les unes comme les autres sont issues de l’imagination productrice. Il n’y a pas de différence qualitative, à ses yeux, entre la notion de la réalité la plus matérielle et la fiction soi-disant la plus « irréelle » du génie poétique. Et il n’attribue pas aux représentations de la réalité l’existence apparente et illusoire des fictions de l’imagination. Il se plaît au contraire à attribuer aux fictions de l’imagination une existence aussi réelle que celles de nos représentations les mieux fondées dans la réalité.

Chez l’homme du commun le fonctionnement de l’imagination créatrice est insconscient ou faiblement conscient : il est donc incapable de reconnaître dans le monde extérieur le produit de son imagination et demeure prisonnier de l’illusion dualiste. — Chez les hommes supérieurs, en revanche, chez les grands génies, artistes ou philosophes, l’activité de l’imagination créatrice peut devenir consciente. L’artiste et le philosophe sont en effet, pour Novalis, de libres créateurs qui tirent l’idée directrice dont ils s’inspirent uniquement d’eux-mêmes, qui ne sont cantonnés dans aucun domaine particulier, nécessités par aucun besoin, guidés par au-